Avec le ‘triptyque brumeux’ ci-dessous dont le décor est supposé rappeler les aérations nuageuses de la grande pomme en hiver, je me suis carrément pris pour Paul Auster. Ce qui est, admettons-le, tout de même plus chic que d’imiter Fidel Castro ou Monfort Nelson.
J’ai exposé ces trois images, bien encadrées, dans ma salle à manger. J’avais réfléchi longuement au meilleur emplacement mais comme les murs y sont rouges et que Véronique Damidot recommande le ton sur ton à longueur d’émission, je pensais faire un malheur. L’ensemble était destiné à ravir les nombreux convives qui se pressent dans mon logis pour mettre mon bois au feu et engouffrer la cuisine de ma moitié. J’espérais accaparer enfin l’attention qui m’est due et que nous passerions la soirée à me complimenter sur la profondeur de mon talent.
Bref, entre la poire et le fromage, devant l’indifférence générale que mes convives portaient aux chefs-d’œuvre posés sur le buffet, je n’y tins plus. Je glissai discrètement un ‘c’est moi qui l’ai fait’ tout en pointant avec ostentation mon index en direction du parapluie noir qu’une brume opalescente dédaigne. J’espérais déclencher une ovation tonitruante, signe d’une admiration tardive mais amplement méritée. Je peux maintenant dire une chose : c’est dans ces moments là qu’on reconnait ses amis, les vrais.
Je remercie içi madame H. qui, au milieu de plusieurs ‘Waouh’ hypocrites et polis s’est discrètement fendue d’un poussif ‘pas mal’. Ces deux mots fleuraient la sincérité tout autant que l’ennui blasé, cette périphrase était teintée de plus de vérité que de convention et ce souffle frais m'a rapproché du Nirvana. Grâce à la cruauté de cette critique ainsi qu’à la virulence de ces propos, ça y est ! J'y suis. Tant d'ignominie et tout ce fiel me permettent enfin de rejoindre le club très fermé des peintres méprisés, des génies inconnus et des surdoués que la lie populacière voue aux gémonies.
Je suis un artiste maudit.